Radio Girls de Sarah-Jane Straford
Allison and Busby/2016 – 384 pages – non disponible en français
 
Il était une fois la BBC. À ses débuts curiosité novatrice qui, du haut de la tour Marconi à Londres, émettait à tous ceux qui pouvaient se permettre un poste de radio et s’acquitter de la redevance. L’année est 1922. Le dispositif suscite fascination et méfiance à la fois. Surtout ne pas créer des Deus ex machina ou de mouvements de masse. La BBC ne peut produire ni diffuser d’actualités, de scoops. La BBC se doit d’informer, d’éduquer et de distraire. Elle donne le ton de l’excellence. Les Beatles de l’époque s’appelaient Virginia Woolf, John Maynard Keynes, Alexandre Fleming. 
Un âge d’or ou plutôt un néolithique des médias, décrit très minutieusement par Sarah-Jane Stratford dans Radio Girls. Grâce à de nombreuses recherches et archives, l’autrice essaie de reconstituer la personnalité mais surtout l’apport fondamental à l’esprit BBC d’Hilda Matheson, première directrice (tous genres confondus) des programmes. Il y est moins question des exploits d’Hilda Matheson en tant qu’espionne (elle aurait été recrutée au MI5 par Lawrence d’Arabie) et plus du quotidien d’une rédaction. Où l’on apprend comment on recherchait avant internet, comment on illustrait le battement d’un cœur, comment on faisait avant l’e-mail et autres Slack (merci mesdemoiselles les secrétaires). Où l’on apprend que la BBC était l’une des rares institutions à accepter les femmes en son rang en leur permettant, sous certaines conditions, de continuer à travailler après le mariage.
Bien que Radio Girls soit une fiction, la qualité de la reconstitution historique réalisée par Sarah-Jane Stratford fait de ce livre un témoignage parlant des débuts des innovations journalistiques et technologiques de la BBC et surtout du choc culturel qu’elle a représentée. Quoi de plus naturel pour un média aujourd’hui que de suivre les élections ou de réaliser un débat entre les partis politiques ? Autant de formats journalistiques nouveaux introduits par Hilda Matheson.
Dans les couloirs de cette BBC reconstituée se croisent personnages de fiction et personnalités réelles, la langue y est … so british et les anecdotes foisonnantes. Parmi les moments les plus jouissifs, je citerai notamment les apparitions des têtes chercheuses du célèbre département Sound Effects. Avant de pouvoir capter le réel, le reproduire tenait presque de la magie. Si la fée électricité transportait le son, les sorciers du studio pouvaient recréer le battement d’un cœur avec une serviette en tissu et un gramophone. Il reste à espérer que Radio Girls fasse son chemin dans les couloirs de la BBC d’aujourd’hui et se mue en une adaptation télévisuelle chic et exigeante dont uniquement les Britanniques ont le secret.
 

Cristina H

Vous êtes bilingue ? Le book est dispo ici.