Toutes les radios du monde

Une destination, une radio, une langue, des voix. Le Lonely Planet version radio, pour les curieux, les linguistes, les baroudeurs du canapé, pour ceux qui écoutent encore la radio en voiture durant leurs voyages à l’étranger.

 

À la télé, je zappe. Une erreur de numéro me projette en terre inconnue. Dépaysement total sur une chaîne vietnamienne privée. Fut un temps, une émission d’Arte partait à la découverte d’un pays via ses chaînes de télé. C’était autant Lévi-Strauss que Levi’s. La télévision, médium anthropologique mais aussi formaté et calibré souvent à la mode américaine.

 

Quand on voyage, on zappe aussi et on fait souvent les pages cornées de son guide. Et puis, il y a les baroudeurs qui appliquent la méthodologie du hasard.  « En route, le mieux c’est de se perdre. Lorsqu’on s’égare, les projets font place aux surprises et c’est alors, mais alors seulement, que le voyage commence. » Nicolas Bouvier, grand voyageur, petit Suisse, évoque ses pérégrinations pour la télévision suisse romande (TSR) en 1963, à la sortie du livre-culte L’Usage du monde.

 

On ne va pas prendre la route de l’Orient dans une Fiat Topolino comme Bouvier et Vernet. On remonte aux sources de Nicolas Bouvier, sa Suisse natale, terre multiculturelle, terre multilingue, terre de montagnes et de contrastes. On se branche sur la RTS, acronyme qui désigne l’union de la Télévision suisse romande et de la Radio suisse romande. On est en Suisse romande, ça parle français avec le ronronnement du chat sur vos genoux. C’est calme, c’est agréable et bucolique, la Suisse, ça sent le fromage des alpages. Vous n’avez peut-être pas pris la vignette automobile, vous passez alors par les petites routes en lacets entre le Vaud et le Valais. Aux infos de La Première, vous entendez les chiffres du chômage (4%), le miracle suisse est donc vrai. On passe au débat sur l’instauration du salaire minimum. La France est pointée du doigt. La France, les Français, les frontaliers, … une bonne partie de l’actualité est occupée par une attention démesurée et presque obsessionnelle du pays voisin. La France, c’est les vacances, le pays du chômage et des 35 h. Elle est aussi un sujet de choix pour l’humour romand.

Dans 120 secondes, chronique radio humoristique de la RTS animée par Vincent Veillon et Vincent Kucholl, le citoyen français est régulièrement convié. Il a souvent un accent du Sud, qu’il soit consul d’État ou représentant de la classe moyenne. 

 

L’humour romand n’est jamais vraiment méchant ni abrasif. Légèrement cynique avec une pointe de paternalisme, il vous veut du bien, il ne vous rentre jamais dedans. Parmi les émissions humoristiques les plus célèbres de la Radio Suisse Romande, Aqua Concert incarne cette forme d’humour de vieille antenne. L’humour généreux, classique, un peu pépère, un peu Papous dans la tête. Le terroir est théâtral avant d’être romand. Aqua Concert a habité l’antenne de la RTS pendant dix ans avec les voix des Patrick Lapp et Jean-Charles Simon. En apparence émission de et sur la musique classique, Aqua Concert était surtout le terrain de jeu de Lapp et Simon, comédiens et improvisateurs, qui parlaient de classique comme on parle de foot. Le rendez-vous incontournable de cette émission était le téléphone de l’auditeur de 16 h 45. La légende dit que tout le monde s’arrêtait de travailler à ce moment-là, que la mère de famille qui était en voiture s’arrêtait sur le bord de la route pour écouter attentivement. Patrick Lapp a créé une panoplie de petites gens, des Bernadette, des Franz, des Sigourney qui intervenaient dans l’émission et à la fin demandaient un morceau classique.

 

La légende dit que les novices se faisaient avoir systématiquement à l’écoute de la première émission. Ce fut mon cas, un jour d’août 2011, dans un bouchon, non loin de Lausanne. Le souvenir du sketch s’est maintenant effacé mais de retour en France, je l’ai suivie à distance jusqu’à sa disparition pour cause de retraite de Patrick Lapp. 

 

Aqua Concert, classique et vieilles dentelles, c’est un moment hors du temps et hors de la radio mais que l’on peut retrouver partiellement sur youtube, avec quelques téléphones de l’auditeur.

Cristina H